Les bienfaits du « coup de pouce » en entreprise

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    Lyon Part-Dieu Vivier Merle - 2019

    « Il faut se motiver pour s’armer contre la terreur du défaitisme (…). C’est un combat à mener »

    David Foenkinos

    Dès 1970, les travaux universitaires, à la lisière des neurosciences et de l’économie, s’intéressent aux mécanismes décisionnels et à l’origine des résistances au changement.

    L’esprit humain est incapable de traiter toutes les informations qu’il reçoit pour prendre des décisions :
    il biaise !
    Le terme « biais cognitif » a été introduit au début des années 1970 par les psychologues Daniel Kahneman (prix Nobel en économie en 2002) et Amos Tversky pour expliquer certaines tendances vers des décisions irrationnelles dans le domaine économique. Certains biais s’expliquent par les ressources cognitives limitées. Pour résumer : la décision est biaisée par paresse ou par un mécanisme proche des fameux « effets d’optique ». 

    Après lui, l’économiste de l’université de Chicago Richard H. Thaler est nobélisé à son tour en 2017, dix ans après la publication d’un opus de vulgarisation Nudge : comment inspirer la bonne décision, coécrit avec Cass Sunstein, juriste d’Harvard.

    Nudge ?

    « Nudge » (du verbe « to nudge », qui signifie en anglais, « pousser » ou « donner un coup de pouce ») a pour principe d’influencer les comportements, « en douceur et sans contrainte », de façon à encourager les initiatives dans une perspective qui a du sens et faire comprendre qu’un changement de comportement serait également bénéfique pour la personne les mettant en place.

    Le nudge se base sur nos comportements primaires :

    • L’être humain étant par nature irrationnel (cf supra), pour lui faire prendre les bonnes décisions, il faut viser ses affects, ses ressentis en tant qu’individu, plutôt qu’opter pour un discours moraliste qui n’aura aucun impact probant ;

    • Aucune prohibition, aucune contrainte, aucune morale, aucune sanction ni récompense, aucune notion de répercussion pécuniaire. L’intérêt du Nudging est d’inciter tout en laissant l’individu libre de prendre sa propre décision ;

    • L’utilisation éthique de la technique Nudge, est un encouragement pour les comportements civiques et responsables


    L’administration Obama a été la première à employer concrètement cette approche en matière de santé et de retraite, en s’offrant les services de Cass Sunstein, sus-cité. L’objectif affiché était d’améliorer la prise en charge individuelle en la matière et limiter l’impact négatif pour la collectivité. Depuis, un grand nombre de gouvernements étrangers lui ont emboîté le pas, les Britanniques en tête. Et la France ne fait pas exception. Depuis mars 2018, la direction interministérielle de la transformation publique a même une équipe dédiée.

    Et en entreprise ?

    Mettre en place une stratégie de Nudge management comporte cinq étapes clés similaires aux méthodes agiles ou de Design Thinking :

    • Etudes de l’environnement et des comportements ;
    • Choix des comportements à faire évoluer et des résultats souhaités ;
    • Processus d’idéation et de construction ;
    • Prototypage des stratégies retenues ;
    • Implémentation à une large échelle.

    Cette méthode de management peut s’appliquer simplement, même si elle dépend non seulement de l’entreprise mais aussi de la personnalité de chacun, à savoir des collaborateurs et des managers.
    Le rôle du manager est central, en ce qu’il doit adopter une réelle philosophie managériale au quotidien, tout en prenant en compte le fonctionnement de l’entreprise et la personnalité des membres composant son équipe.
    Par exemple, si des collaborateurs n’ont aucun mal à être force de proposition, d’autres peuvent être davantage sur la réserve. Il est important de connaitre les points forts et les points faibles de chacun, pour pouvoir en faire ressortir le meilleur, les inciter à agir dans la bonne direction et mener à bien les projets.
    Cette influence ne peut s’exercer qu’après une appréhension de l’environnement professionnel de l’entité, des résultats à atteindre, des risques et des enjeux, mais surtout des comportements. Le manager doit dans ce cadre inspirer la confiance et faire preuve d’un savoir-être irréprochable.

    Selon Eric Singler[1], « L’enjeu est de créer un environnement physique […] et psychologique […] pour inciter les salariés à se comporter différemment dans leurs intérêts et celui de l’entreprise. »

    Des applications ?

    Prendre en compte le biais environnemental =>

    Un manager peut être mal perçu des membres de  son équipe s’il ne comprend pas ou s’il ne possède pas le même langage qu’eux. A l’inverse, un manager ayant un langage bien défini sur un contexte précis ou technique (dit framing) sera mieux vu de son équipe.
    Cette stratégie de framing est aussi utile dans le recrutement, le futur employé se sentira rassuré et confiant dans une entreprise dont les Ressources Humaines connaissent le cœur de métier et comprennent l’enjeu des futurs collaborateurs. Bien que souvent négligé, le cadre de travail social est aussi important que le cadre de travail matériel


    Contourner le biais de l’aversion du risque =>

    L’effet de norme sociale pousse les individus à agir comme le plus grand nombre.
    Si la norme est de ne pas faire preuve d’initiative ou de propositions, une valorisation financière n’aura peu de conséquence. A contrario, un environnement de travail plus agile, favorisant le recours à l’initiative, comme le design thinking ou le lean management poussera chaque membre d’une équipe à proposer leurs idées même sans la présence de prime.


    La forte corrélation entre performance et transparence =>

    En plus du bien-être dans le quotidien de l’entreprise, l’employé développe une meilleure performance et une plus grande dévotion dans une entreprise transparente dans ses actions. La génération Y a besoin de connaître la direction prise par l’entreprise, l’intérêt de son travail et que l’entreprise a besoin d’elle et réciproquement.

    La forte corrélation entre performance et transparence =>
    En plus du bien-être dans le quotidien de l’entreprise, l’employé développe une meilleure performance et une plus grande dévotion dans une entreprise transparente dans ses actions. La génération Y a besoin de connaître la direction prise par l’entreprise, l’intérêt de son travail et que l’entreprise a besoin d’elle et réciproquement.

    Récapituler les informations peut sembler une perte de temps, mais clarifier les décisions en connaissance de cause structure voir simplifie des choix qui sont perçus comme complexes. Il peut sembler difficile de devancer les erreurs des salariés, mais des recommandations et la mise en place de bonnes habitudes influencent sur leur comportement au quotidien et sur le long terme. Le principe de circulaire n’est pas suffisant car ponctuel là où un nudge peut être permanent. La mise en place d’une routine SPIN (« situation, problem, implications, next steps « ) dans les réunions de travail facilite le déroulement et l’efficacité de ces dernières notamment dans une gestion projet Agile.

    La transparence de l’entreprise comprend aussi la communication interne de cette dernière. Le bien-être au travail est grandement influencé par la confiance du collaborateur envers son employeur et son entreprise. Les collaborateurs doivent se sentir moteur de leur entreprise, et pour cela il est important de connaitre la ligne directrice et l’objectif de cette dernière.

     

    Coup de pouce ou manipulation ?

    Le nudge management peut parfois être perçu comme une forme de manipulation. Ces stratégies doivent être pensées et établies avec conscience car des nudges mal établi peuvent être perçu comme Direction brouillonne et mal structurée.
    Notre tendance au conformisme pourrait ainsi contraindre les salariés à faire certains choix contre leur gré. Une personne isolée dans son choix sera beaucoup plus tentée de se ranger à l’avis du plus grand nombre, même si cela va à l’encontre de ses plus fermes convictions.
    Un nudge mal calibré et sur une mauvaise population cible peut s’avérer néfaste pour le bien-être et l’estime des collaborateurs et risque également d’avoir un effet inverse (moins de créativité, moins de dynamisme).


    Une piste ? écouter vos collaborateurs : ce qu’ils disent (et surtout ce qu’ils ne disent pas…)


    [1] Eric Singler, Président du Think Thank Nudge France, auteur de « Nudge Management »

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