Emotion d’être … so what ?

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    « Au commencement était l’émotion, mais au commencement de l’émotion était l’action »

    (Antonio Damasio)

    Depuis mai 2019, les entreprises peuvent intégrer dans leurs statuts une « raison d’être », « constituée des principes dont la société se dote et pour le respect desquels elle entend affecter des moyens dans la réalisation de son activité ».

    Il s’agit donc de se positionner sur des questions d’intérêt général ou des enjeux allant au-delà de la recherche du profit à court terme.  Cela implique de définir ou redéfinir « son intention stratégique » et les objectifs poursuivis.

    L’affirmation de cette « raison d’être » ne peut en aucun cas se limiter à un exercice rhétorique, donnant lieu à un plan de communication. Elle doit s’incarner en tant qu’identité de l’entreprise, démontrer une contribution à l’intérêt général, représenter les fondations de la stratégie sur le long terme, inspirer chacune des parties prenantes. Elle peut même impliquer une ré-orientation de l’activité en fonction d’hypothèses macroéconomiques, sociologiques ou sociétales.

    Il s’agit désormais de :

    • Donner du sens au travail réalisé et permettre à chacun d’y trouver sa place ;
    • Donner du sens au rôle de l’organisation dans la société en embarquant ses collaborateurs, ses clients, ses fournisseurs, ses partenaires ;
    • Recentrer le périmètre des produits et des services proposés en les passant au filtre de la Raison d’être ;
    • Révéler de nouvelles opportunités d’activités insoupçonnées en libérant l’esprit créatif des équipes et de l’écosystème.

    Même s’il était acquis pour les organisations de prendre en compte les attentes de chacune de leurs parties prenantes, il s’agit désormais d’en repenser toutes les interactions et les rapports entretenus avec celles-ci pour prendre la mesure des impacts de l’entreprise, bien au-delà des frontières économiques ou organisationnelles.

    Pour cela, un travail de fond (écoute, analyse, prise de recul…) sur les actifs stratégiques et tangibles de l’entreprise s’impose.

    Certaines décisions auront par exemple des conséquences sur le choix des fournisseurs (les sélectionner en fonction de leurs pratiques ou du choix des matières premières).

    Les sociétés qui franchissent le pas de l’inscription de cette raison d’être dans leurs statuts, reçoivent une approbation quasi unanime de leurs actionnaires en Assemblée générale, sous réserve d’être en mesure de rendre des comptes grâce à des indicateurs pertinents, sur les bases des vérifications d’un organisme tiers indépendant.

    Un statut d’ « entreprise à mission »

    La raison d’être « Apporter la santé par l’alimentation au plus grand nombre » intégrée dans les statuts de Danone, a ainsi été approuvée le 26 juin dernier, par plus de 99 % de ses actionnaires.
    Cette adoption du statut d’« entreprise à mission » va enjoindre le groupe agro-alimentaire, à aller au-delà de la recherche de rentabilité en poursuivant des « objectifs sociaux, sociétaux et environnementaux ».

    La période de confinement que nous avons traversée, semble avoir eu un impact, à suivre, sur notre façon de consommer : l’étude du cabinet de conseil et d’audit PwC France sur la consommation alimentaire des Français pendant le confinement, – réalisée avec Kantar début avril auprès d’un panel représentatif de plus de 1000 répondants – met par exemple en évidence que sur les critères de sélection de leurs distributeurs alimentaires, les Français répondent à 43% que si la condition la plus importante reste le prix, deux autres critères émergent :

    • la production en France des produits (32%),
    • et leur composition saine, voir bio (20%), et ce même en payant plus cher.

    L’étude constate également qu’à la fin du confinement, 62% des consommateurs se tourneront vers des commerçants ayant souffert, ou œuvré positivement pendant le confinement.

    On relève également une montée en puissance des circuits courts, une demande de traçabilité des produits ou encore la transparence des informations partagées qui explique le succès fulgurant d’une application comme Yuka.

    De « l’émotion d’avoir » à la « raison d’être »

    Nous sommes donc bien en cours de mutation de l’ « émotion d’avoir » (toujours plus – d’amis sur les réseaux sociaux, de vues, de likes, de produits…), d’une attitude « je consomme donc j’existe », à une certaine raison d’être.

    Cela n’est malheureusement pas encore suffisant. Désormais, pour sauvegarder nos ressources et notre planète, il devient nécessaire de consommer moins mais mieux. 
    C’est en prenant conscience que nos choix quotidiens sont éminemment politiques et participent au bien pour tous, en nous convainquant d’abord par la raison  que nous basculerons ensuite vers « l’émotion d’être » : cela ne peut se faire sans intelligence émotionnelle.

    Source : L’ordre étrange des choses, Antonio Damasio

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