Converser avec curiosité

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    2018

    « La conversation est bonne, elle est même nécessaire aux idées car il faut leur faire prendre l’air ».

    Pierre Baillargeon

    Dans cette période particulière, ce qui me manque particulièrement est notre formidable capacité à converser avec curiosité… faute de contexte propice et apaisé.


    Une recherche sur Internet de méthodes et conseils pour « Comment commencer une conversation », « Avoir une bonne conversation » ou autres « Sujets incontournables dans une conversation »,  donnera lieu à des affichages de pages et de pages de guides, manuels, sites, webinars…

    Si je devais résumer ce qu’est pour moi une conversation réussie, je l’associerais à la curiosité et laisserais la place à Laurence Devillairs, Philosophe : « la curiosité, c’est cette capacité à cultiver un peu d’inconnu, un soupçon d’iconoclasme dans le règne de l’uniformité. C’est faire un pas de côté en dehors des clous (…). »


    Notre nouvelle manière de vivre, confinée ou semi-confinée, « distancielle », cloisonnée par le couvre-feu, plongée dans la répétition des « mêmes » (sujets, questions, débats, experts, chiffres), tout en nous donnant l’impression de pouvoir avoir un avis éclairé , nous prive de cette « curiosité » bienveillante.
    L’étymologie de ce terme renvoie en effet au fait « d’avoir cure » : c’est le soin pris à être attentif, s’aventurer à penser tout seul.e, hors des chemins balisés.


    Comme dans une conversation réussie, c’est l’envie de savoir et d’écouter, sans critère d’utilité immédiate. On forge ainsi ses connaissances, on arme son jugement.

    Dans nos contextes professionnels, c’est le temps passé à converser avec curiosité qui nourrit nos relations avec nos clients et fournisseurs, voire prospects …


    Au-delà, connaître une parcelle de leur environnement personnel, de leurs goûts, talents, envies, joies et succès, voire plats préférés est l’assurance d’une relation sans ennui et qui au final, servira également la partie professionnelle : en effet de ces échanges informels naissent souvent des projets tangibles.

    Une étude récente (mars 2021) publiée dans la Revue PNAS s’intéresse au fait que nous sommes désarmés dans la clôture d’une conversation : « les échanges ne se terminent presque jamais lorsque les deux parties le souhaitent et que les gens sont très mauvais pour deviner quand leur partenaire aimerait en finir. Dans certains cas, cependant, les interlocuteurs sont mécontents non pas parce que la discussion avait duré trop longtemps, mais parce qu’elle a été trop courte. »

    Plusieurs expériences conversationnelles impliquant plus de 1.000 individus ont été menées au terme desquelles les psychologues ont découvert que :

    > dans 10% des cas, les interlocuteurs auraient souhaité que leur conversation dure plus longtemps ;

    > dans environ 31% des entretiens entre inconnus, au moins l’un des deux souhaitait continuer ;

    > lorsque les participants ont tenté d’estimer à quel moment leur partenaire avait voulu arrêter de parler, ils se sont trompés d’environ 64 % de la durée totale du dialogue.

    Deux questions fondamentales, posées par Nicholas Epley, spécialiste du comportement à l’université de Chicago découlent de cette incapacité à déterminer quand l’interlocuteur souhaite mettre fin à la conversation :

    > « Les personnes dont les conversations se terminent au moment où elles le souhaitent ont-elles de meilleurs échanges que celles dont les conversations durent plus longtemps que nécessaire ? »

    > « Combien de nouvelles idées, de perspectives inédites ou de faits intéressants avons-nous manqués parce que nous avons évité un échange plus long ou plus profond que nous aurions pu avoir avec une autre personne ? »


    Alors que les échanges sont encore cloisonnés par les visio-conférences, j’ai hâte d’en débattre avec vous autour d’un café, et, soyons fous, en terrasse.


    Sources :

    > PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America) / Do the conversations end when people want them to ?

    > Laurence Devillairs, agrégée et docteure en philosophie


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